SMPA invitée de « La Rép » # 30 septembre 2021
Pour présenter les SISM 2021 et l’actualité de la psychiatrie dans la région, Pierre Godart (président) et Boris Nicolle ont été interviewés par La République des Pyrénées. Lire ci-dessous le contenu des échanges avec la journaliste Bénédicte Mallet (photographie © Marc Zirnheld)
Reproduction interdite du texte et de la photographie © Pyrénées-Presse
Ce sont deux générations de psychiatres palois. Le docteur Pierre Godart, 70 ans, ancien chef de service au Centre hospitalier des Pyrénées et le docteur Boris Nicolle, 30 ans. Tous deux sont engagés dans l’organisation de la Semaine de la santé mentale et des assises nationales. Boris Nicolle est plus particulièrement en charge de la réhabilitation psychosociale au CHP et de l’association des Jeunes psychiatres et addictologues. Ils évoquent ensemble les conséquences de la crise sanitaire.
L’enquête CoviPrev révèle que 10 % des personnes interrogées ont eu des pensées suicidaires. Un chiffre en hausse de cinq points par rapport au niveau hors épidémie.
Dr Godart : Le changement des règles habituelles de vie, l’isolement ont en effet entraîné une augmentation très importante des troubles anxieux et dépressifs. Cette hausse se situe entre 23 % et 30 %.
Dr Nicolle : Durant le premier confinement, j’ai pu constater une souffrance énorme alors que j’étais en poste à Bordeaux : + de 60 % de passages aux urgences avec des enfants et adolescents que nous n’avions pas l’habitude de recevoir. Et une hausse des tentatives de suicide chez les ados prépubères. Par ailleurs, nous ne connaissons pas encore les effets de la crise au niveau neurologique. Des patients subissent des fatigues prolongées. Il reste à savoir si c’est physique, psychique.
Comment cette période s’est-elle traduite ?
Dr Godart : Pour ce qui concerne les patients présentant des pathologies lourdes, la période de pandémie s’est traduite par une augmentation des souffrances, un retard dans les soins. Après une première période pendant laquelle ils nous ont montré de grandes capacités de résilience, ils ont commencé à être déstabilisés après l’été. Il y a eu des suicides, des réhospitalisations dans des situations graves. Les jeunes de 15 à 25 ans sont particulièrement concernés.
Dr Nicolle : Après la réouverture des centres de consultation, nous avons accueilli des profils de patients que nous ne connaissions pas du tout. Et les enfants et les adolescents ont été proportionnellement plus touchés.
Quel bilan tirez-vous des assises de la santé mentale qui viennent de se tenir ?
Dr Godart : Elles ont montré qu’il manque de professionnels pour écouter les patients et éviter les réponses pharmacologiques qui ne sont souvent que des cache-misère : les anxiolytiques sont beaucoup trop prescrits et les antidépresseurs mal prescrits. On déplore aussi entre 40 et 50 jours d’attente avant d’obtenir un rendez-vous. Les Journées de la santé mentale montrent, elles, que cela concerne tout le monde. C’est un sujet citoyen dont tout le monde doit s’emparer.
Dr Nicolle : Effectivement nous manquons de médecins psychiatres : 30 % de postes sont vacants. Et aussi d’infirmiers, notamment pour les interventions à l’extérieur. C’est pourquoi le programme de premier secours en santé mentale qui vise à former 60 000 personnes d’ici 2023 aux troubles psychiatriques sera très bénéfique. La santé mentale est l’affaire de tous !
Un rapport montre que les tentatives et suicides sont moindres dans le 64. Comment cela s’explique-t-il ?
Dr Godart : Nous avons développé depuis des années des partenariats entre le monde du soin et le monde social : Ogfa, Adapei… avec aussi une équipe mobile. D’autre part, le handicap psychique n’est plus uniquement pris en charge en institution. Et nous avons longtemps bénéficié d’un certain nombre de médecins généralistes, ce qui veut dire un temps d’écoute précieux.
Dr Nicolle : Effectivement je découvre en Béarn et Soule cette avancée dans le travail en réseau et les dispositifs très innovants et performants mis en place : ici les professionnels se déplacent plus précocement, on a donc moins recours aux hospitalisations.
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Publié le 3 octobre 2021 à 15:10