Marion Leboyer sur France Inter : état d’urgence pour la psychiatrie ! [7 sept. 2018]
Dans son livre « Psychiatrie : l’état d’urgence » (Fayard éd. – parution le 12 septembre), co-rédigé avec le professeur Pierre-Michel Llorca, le professeur Marion Leboyer, psychiatre et chercheur, directeur de la Fondation FondaMental dresse un diagnostic de la situation de la psychiatrie française. Alors que de nombreux soignants dénoncent une situation critique et que la colère gronde dans certains hôpitaux psychiatriques en grève, la psychiatrie connaît-elle aujourd’hui un état d’urgence ?
« Ces grèves témoignent de l’épuisement des soignants par manque de moyens, estime Marion Leboyer. Les maladies psychiatriques, aujourd’hui, c’est 12 millions de Français concernés. »
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(…) « Les pédopsychiatres partent à la retraite, il faut les remplacer « , explique encore la spécialiste qui ajoute : « Aujourd’hui, la psychiatrie est très hospitalo-centrée les moyens qui auraient pu améliorer l’accès des soins en ville n’ont pas été déployés. » Et qu’attendre du « plan hôpital », bientôt dévoilé par le gouvernement ? « Si ce plan va dans le bon sens, on attend beaucoup plus, un calendrier, un comité de pilotage, une réflexion sur la place des familles ou que la recherche soit soutenue. »
La psychiatrie est pour nous dans le même état que l’était la prise en charge du cancer il y a vingt ans. Les malades étaient stigmatisés, on ne prononçait pas ce nom-là. Et puis l’État a fait un effort considérable.
« Pour que les familles s’y retrouvent, il faut un portail dédié », avance aussi Marion Leboyer, pour que chaque patient puisse trouver un praticien, comprendre son parcours de soin. « Dans un hôpital parisien, avance Danielle Messager, spécialiste santé de France Inter, il y avait 45 psychiatres il y a vingt ans, il y en a 24 aujourd’hui. »
« On a aussi besoin d’une psychiatrie spécialisée par pathologie », explique le professeur Leboyer, qui évoque un « point crucial » : « À cause des clivages entre médecine générale et médecine psychiatrique, il n’y a pas de prise en charge des patients. » Sur le soutien aux familles : les associations de patients demandent de créer « des consultations familiales, qu’elles fassent partie du dispositif de soins », ou encore « créer aussi le métier de pair aidant, des ex-malades qui peuvent témoigner du suivi du traitement », sans compter aussi « l’importance de l’aide de la prise en charge à domicile » ou de l’absence de psychiatrie en milieu rural, comme en témoigne un auditeur : « Il faut repenser l’articulation des soignants entre eux. »
Le Pr Marion Leboyer est professeur de psychiatrie de l’Université Paris Est Créteil, responsable du pôle de psychiatrie et addictologie des Hôpitaux Universitaires Henri Mondor et directeur du laboratoire de psychiatrie génétique (équipe 15) Institut Mondor de recherches biomédicales (Inserm U955). Depuis 2007, elle dirige la Fondation FondaMental, fondation de coopération scientifique dédiée à la lutte contre les maladies mentales, créée à l’initiative du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle est également membre représentant la psychiatrie aux ITMO (Instituts thématiques multi-organismes) neurosciences, cognition, neurologie et psychiatrie [AVIESAN (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé) : Inserm, Cnrs, Cea, Inria].
Capture d’écran : © www.franceinter.fr
Publié le 7 septembre 2018